DE L'AFRIQUE VERS LE MONDE RWANDA RECONCILIATION AU RWANDA : NOUVEAU CHANTIER POUR UNE EGLISE CENTENAIRE DUREMENT EPROUVEE PAR LE GENOCIDE DE 1994 Kigali, le 9 février 2001 - (D.I.A.)- A l'occasion des manifestations marquant la clôture du centenaire de l'Eglise catholique qui est au Rwanda, le pape Jean-Paul II a envoyé un message aux catholiques de ce pays. Il demande que le centenaire réveille la conscience de chrétiens rwandais pour qu'ils s'engagent à pratiquer leur foi avec davantage de ferveur, pour qu'ils aient une foi plus solide et des intentions plus durables. Pour cela, l'évêque de Rome leur propose de prendre comme modèle les premiers évangélisateurs dans leur pays. Il souligne par ailleurs que cette cérémonie soit consacrée de manière significative à l'unité et à la réconciliation. Déjà lors de la célébration du Jubilé des religieux au Rwanda, le Saint-Père avait lancé un appel aux consacrées et consacrés oeuvrant au pays de mille collines pour qu'ils puissent poursuivre avec abnégation leur engagement au service de la mission de l'Eglise, en particulier auprès des plus pauvres, en se faisant les artisans ardents de la conversion, de la réconciliation et de la vie nouvelle. Ce centenaire de l'Eglise est célébré dans un pays où sont encore visibles les traces du génocide qui en 1994 avait vu disparaître des Tutsi et des Hutus modérés tués par les extrémistes du pouvoir d'alors à Kigali. Les pertes en vies humaines furent considérables : on a compté un million de morts. L'Eglise perdit dans ce déchaînement des extrémistes de la majorité hutu trois évêques, 103 prêtres, 47 religieux, 65 religieuses et 30 laïcs de vie consacrée. On considère que le cas de Mgr Augustin Misago, évêque de Gikongoro, resté pendant plus d'une année en prison, constitue une des séquelles de ce moment tragique de l'histoire de l'Eglise du Rwanda. Le prélat a été détenu sous l'accusation du génocide et son innocence a été reconnue le 15 juin 2000. Avant l'arrestation de cet homme d'Eglise, une vaste campagne de dénigrement a été lancé par les autorités de Kigali en vue de compromettre toute initiative dans le sens de la réconciliation émanant d'elle. Lors des cérémonies marquant le 5ème anniversaire du génocide, M. Pasteur Bizimungu, alors président du Rwanda, a évoqué les accusations de complicité dans le génocide présentées contre Mgr l'évêque de Gikongoro. Ces accusations à l'endroit de l'Eglise ont été massivement divulguées par des organisations, dont African Right, et des publications européennes : Solidaire, un hebdomadaire belge, Golias, un organe apparaissant en France. African Right est une organisation et elle est la seule à avoir accusé Mgr Misago dans une espèce de livre blanc de plus de 1.000 pages qu'elle a publié. Plusieurs membres de l'Eglise catholique ont été jetés en prison en raison de ces mêmes accusations. - La réconciliation, nouveau chantier d'une Eglise éprouvée par les conflits ethniques Après les événements sanglants de 1994, on a souvent accusé l'Eglise, dont les premiers missionnaires ont foulé le sol du Rwanda le 8 février 1900, de n'être pas parvenue à évangéliser en profondeur le peuple rwandais dont la majorité confesse la foi catholique. Les religieux travaillant au Rwanda ont fait leur mea culpa dans un document publié à l'occasion du Jubilé des religieux qui a eu lieu le 25 mars 2000 à Kigali. " Nous demandons pardon, ont-ils affirmé, pour toutes les fois où nous avons été indignes de l'Esprit de Jésus et de son Evangile, en présentant aux Rwandais et au monde le spectacle des manières de penser et d'agir qui ont été de véritables formes de contre témoignage et de scandale." Travailler pour les jeunes et avec les jeunes, construire un pays où règnent la paix, la justice et le droit, rester solidaires avec les personnes rendues fragiles par le génocide, chercher à élaborer des réponses nouvelles ayant suivi cette tragédie et marcher sur la voie difficile vers l'unité et l'accueil fraternel de l'autre, dans sa vérité, constituent les nouveaux défis pour lesquels entendent s'engager en vue d'un nouveau siècle d'évangélisation les religieux présents au Rwanda. Le Synode qui s'est déroulé avant l'année jubilaire dans les différents diocèses de l'Eglise catholique qui est au Rwanda avait pour thème "La réconciliation". Ces assises avaient pour objectif de préparer les fidèles au Jubilé. " Il n'était pas facile pour les Rwandais de vivre toute une Année Jubilaire avec tout le poids du passé. Les résultats attendus se sont manifestés au-delà de toute attente, et servent de tremplin pour la vie et pour l'avenir du peuple chrétien rwandais", a confié à l'agence vaticane Fides l'abbé Karekezi. C'est ainsi, soulignent nombre d'observateurs, que l'on peut décrire le nouveau chantier auquel va s'atteler l'Eglise en insistant plus particulièrement sur la réconciliation. Le premier ministre rwandais a bien compris l'importance de l'œuvre de l'Eglise dans ce domaine. Aussi M. Bernard Makusa l'a-t-il invitée à aider tous ses compatriotes à comprendre le sens de l'amour envers l'autre et à poursuivre sa pastorale pour la paix, la justice et l'amour fraternel. - Dès 1996 le projet des orphelins qui font revivre Nyakizu Nyakizu est une colline où ont échoué, au lendemain du naufrage national que fut le génocide, plusieurs enfants. Ceux-ci ne fréquentaient plus l'école. Représentant les ethnies ennemies tutsi et hutu, ils ont pris la mesure d' une solidarité nouvelle face à leur situation précaire. Les autorités locales et quelques dons ont permis à ses enfants de pouvoir apprendre ne fût qu'un métier. De petits ateliers ont pu être montés; l'initiation à la couture a été organisée dans une vaste salle au mur vert amande. Les jeunes filles encadrées ont commencé même à penser à leur avenir dans ce domaine avec l'esprit propre aux petits entrepreneurs. Nombre de garçons ont été affectés à l'atelier de menuiserie, juste à l'entrée de Nyakizu. Leur instructeur, un jeune hutu du nom de Fidèle, avait tout perdu à la fin de la guerre. Il a été choisi une fois revenu chez lui pour apprendre aux orphelins de Nyakizu le travail du bois. Parmi ces derniers on compte plusieurs petits tutsi. Nyakizu a offert les garanties d'une réconciliation non difficile avec cette collaboration entre des personnes divisées par une haine séculaire. Deux ans après le génocide, le nombre de 60 mille enfants qui n'avaient pas pu retrouver leurs parents donnait une idée de l'ampleur du drame. En Afrique, la République Démocratique du Congo, la Tanzanie, le Burundi et l'Ouganda ont à cette époque ouvert leurs orphelinats pour les accueillir. Aujourd'hui, les Rwandais réfugiés au Congo-Brazzaville disent être au bord de la détresse après 7 ans de calvaire. Ceux-ci ont été installés au camp de Kintélé, à 25 kilomètres au nord de Brazzaville. Depuis décembre 1999 les organismes des Nations Unies ont arrêté leur assistance au profit de ces réfugiés. A Kintélé plus de 80 élèves rwandais sont encadrés par près de 10 instituteurs aux niveaux pré-scolaire, primaire, secondaire et universitaire. Au mois d'août 2000 certains ont reçu leurs certificats d'études primaires et élémentaires, la plupart n'ayant pas bénéficié d'une inscription normale. A Loukolela, une sous-préfecture située à 500 km au Nord du Congo, plus de 200 élèves suivent des études primaires et 26 des études secondaires. La situation précaire des réfugiés à Kintelé met en lumière leur calvaire : manque d'eau potable, travail de champs, dégradation de la santé, absence de prise en charge au plan médical et d'abris convenables, manque de documents d'identité et d'état civil, etc. En ce début février 2001, on déplore que 634 enfants et 463 femmes fassent face à des problèmes de santé. Ces réfugiés rwandais tiennent à être reconnus comme des personnes humaines avec leurs devoirs, mais aussi avec leurs droits. - Cardinal Etchegaray, envoyé spécial du pape à l'occasion de la clôture du centenaire Le pape Jean-Paul II a désigné le cardinal Etchegaray comme son envoyé spécial au Rwanda. Ce prélat français a foulé le sol rwandais ce mardi 6 février 2001. Ce mercredi 7 février, il s'est rendu à la basilique de l'Immaculée Conception de Kabgayi et à la chapelle construite au lieu où s'est installé le premier groupe des missionnaires d'Afrique (pères blancs). Ce 8 février 2001, devant une assistance nombreuse, dont les membres du gouvernement et les députés, l'envoyé du pape a célébré une Eucharistie pour clôturer cet important événement ecclésial. Selon l'agence vaticane Fides, la cérémonie s'est déroulée dans un climat de joie et de grande émotion. Dans son mot d'introduction, le cardinal a lancé un appel en invitant les catholiques du pays à faire de leurs blessures des sources nouvelles pour leur Eglise, leur continent et le reste du monde : " Catholique rwandais, regardez de l'avant, même si votre mémoire demeure endeuillée. Allez de l'avant, même si vous vous sentez encore titubants. N'ayez pas peur d'avancer au large, et même d'aller loin. […] Eglise du Rwanda, apprends à faire de tes blessures des sources nouvelles non seulement pour toi-même mais pour toute l'Afrique et au- delà. C'est le meilleur merci que tu peux donner aux missionnaires qui, il y a un siècle, furent tes fondateurs". Le cardinal Etchegaray n'est pas un inconnu au Rwanda. Il avait effectué un voyage au pays des mille collines dans le but de tenter de mettre d'accord les parties en conflit avant le mois d'avril 1994. Du 23 au 29 juin 1994, il est de nouveau retourner dans ce pays meurtri par le génocide afin au nom du Saint-Père d'apporter réconfort à l'Eglise affaiblie et décapitée. Trois évêques catholiques rwandais venaient d'être tués. Dans la cathédrale de Kabgayi, le cardinal a célébré une messe de suffrage pour ces trois prélats assassinés. (D.I.A.)