DE L'AFRIQUE VERS LE MONDE REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO BUTEMBO, EN TERRITOIRE OCCUPE : MESSAGE DE PAIX POUR LE NOUVEL AN 2001 PAR L EVEQUE CATHOLIQUE ET PAR LE REPRESENTANT DES BAPTISTES Butembo, le 05 janvier 2001 (D.I.A.) Mgr Melchisédech Paluku Sikuli et le révérend Mauka Mathe Bulalo, respectivement évêque de Butembo- Beni et représentant légal de la communauté baptiste au centre de l Afrique, ont adressé un message de paix pour le Nouvel an 2001 à leurs communautés respectives. Présenté sous ce titre ramassé des mots de l exode 3,7 J ai vu la misère de mon peuple... Oui, je connais ses souffrances , le message est aussi adressé aux chrétiens qui célèbrent la naissance du Christ, aux peuples qui souffrent dans leur âme et dans leur corps, abandonnés à eux-mêmes, aux personnes de bonne volonté. Le message s adresse enfin à tous ceux qui veulent entrer dans le 3e millénaire renouvelés par l Esprit, réconciliés avec eux- mêmes, avec les autres et avec Dieu. Il est daté du 31 décembre 2000 et il commence en ces termes . « Que la paix et la grâce de Notre Sauveur soit avec vous tous. En notre qualité de Pasteurs et Responsables d Eglises, devant l urgence et le drame que vivent nos fidèles chrétiens et le peuple tout entier, nous ne pouvons pas ne pas parler. Car, « il faut obéir à Dieu plutôt qu aux hommes » (Actes 5,29). Dans la joie de Noël, nous accueillons la Grande Lumière qui éclaire au coeur des ténèbres, le Seigneur, « Merveilleux-Conseiller, Dieu Fort, Père à Jamais, Prince de la Paix » (Isaïe 9,1-6). Laissons-nous guidés par l Esprit de Vérité et d Amour, de Justice et de Paix, de Sagesse et de Piété, de Discernement et de Force. Sur notre terre déchirée par la guerre, le peuple aspire ardemment à la paix. Il médite sans cesse la parole du Prophète : « De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l épée nation contre nation , on ne s entraînera plus pour la guerre » (Isaïe 2,4) Au moment où les autres peuples se préparent à entrer dans le troisième millénaire avec un esprit de créativité, de construction et d entrepreneuriat, d entraide, de solidarité , de fraternité et de combat pour la dignité humaine, des forces négatives, locales et étrangères, nous plongent dans une misère sans nom. Nos initiatives de développement sont paralysées, nos ressources sont bradées et pillées ; l insécurité est généralisée ; la vie commerciale est déstabilisée ; le terrorisme, la violence, la haine et la criminalité sont entretenus, l anarchie et l arbitraire ont atteint un niveau intolérable ; des villages entiers sont détruits, et des innocents massacrés ; des filles et des femmes sont violées impunément ; des peuples entiers sont chassés de leurs terres et deviennent des réfugiés sur leur propre sol. Nous vivons dans un climat de destructuration des familles, d irresponsabilité et d immoralité publique, de descolarisatioin, militarisation et criminalisation des enfants, de délabrement des hôpitaux sans médicaments et désertés par les malades par manque de moyens, de destruction des quelques infrastructures qui ont échappé aux méfaits du « mobutisme ». Les droits à la vie, à la sécurité de la personne, à la vie privée et à la liberté (liberté de penser, d opinion, de conscience, de mouvement, d association...) sont bafoués. On note avec tristesse la pratique de la torture, les traitements cruels, inhumains et dégradants, les détentions arbitraires, l iniquité de la justice expéditive, l opportunisme politique, la légèreté et l irresponsabilité des dirigeants. Aux autorités du Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Mouvement de Libération, toutes tendances confondues, nous lançons un vibran appel : qu elles se ressaisissent et se retrouvent sans délai autour d une même table pour un examen de conscience sans complaisance. Leur responsabilité dans le calvaire que vit le peuple dans notre région, en particulier, dans les territoires de Lubero et de Beni dont nous avons la responsabilité ecclésiastique, est considérable, étant donné les guerres fratricides auxquelles elles se livrent dans leurs querelles de leadership. Le peuple est pris en otage et vit paradoxalement dans un vide politique et juridique et ne sait plus qui fait quoi, qui gouverne et qui administre. Il est abandonné à lui- même, livré à des aventuriers et prédateurs de toutes sortes. On note plus une capacité de détruire qu une disposition à construire. Le terme « libération » clamé haut et fort par les seigneurs de la guerre a perdu tout son sens. Comme l a bien rappelé Monseigneur Emmanuel KATALIKO, d heureuse mémoire : « L Evangile nous pousse à récuser la voie des armes et de la violence pour sortir des conflits. C est au prix de nos souffrances et de nos prières que nous mènerons le combat de la liberté, que nous amènerons également nos oppresseurs à la raison et à leur propre liberté intérieure » (Lettre de Noël 1999). Au Peuple Ougandais, nous demandons d interpeller vivement leurs dirigeants politiques et militaires concernant leur présence néfaste et destructrice dans nos territoires. Ceux-ci doivent reconnaître en toute honnêteté que leur mission au Congo est un échec. En effet, malgré leur présence : - Le Sud du territoire de Lubero est dévasté par les Interahamwe ; on compte aujourd hui plus de 100.000 déplacés; - La frontière entre nos deux pays est en insécurité permanente depuis Kasindi jusqu à Beni en passant par Mulwanga (ici, il y a plus de 10.000 déplacés sans compter les morts et les blessés de guerre) ; - La route entre Beni et Butembo est complètement insécurisée et livrée à des scènes quotidiennes de pillages, d intimidation, de barbarie et de massacre (à Maboya, le 1er novembre 2000, 6 personnes brûlées vives, 42 maisons incendiées avec tout ce qui s y trouvait, un cycliste et un couple abattus...); - Dans les grandes agglomérations (Beni, Butembo, Lubero, Kirumba, Kayna, Kanyabayonga, Oicha, Mangina, Mulwanga...), on note des scénarios d assassinat, de vol à mains armées et de répression quotidienne et d humiliation des personnes (voir les tristes événements à Lubero et à Butembo au cours du mois d octobre 2000) ; - L axe Bunyuka-Vuhovi-Kyondo-Loutu subit le même sort ; - L axe Butuhe-Vurondo-Manguredjipo est en feu et en sang, livré à une guerre sans objet entre forces d occupation et leurs alliés d une part et milices « Maï Maï » d autre part (voir entre autres le deuil généralisé à Butuhe, du 8 au 10 novembre 2000). Il y a lieu de se demander, par rapport aux termes de l Accord de Lusaka, parmi tous ces belligérants portés par des intérêts égoïstes au point de sacrifier le peuple , quelles sont les forces positives et les forces négatives. Nous vivons au contraire un véritable spectacle de la désolation et une paupérisation massive des populations. A tous les compatriotes, nous demandons d oeuvrer à la promotion d une culture de la paix, à la réussite du cessez-le-feu et du dialogue inter-congolais, à la réconciliation nationale, à l établissement d un Etat de droit, à une diplomatie constructive garantissant la souveraineté et l intégrité territoriale, à l engagement pour un développement intégral (de tout homme et de tout l homme), à la lutte contre la discrimination et contre la faim, à une solidarité active et à la reconstruction du pays ». Nous saluons et soutenons l Accord de cessez-le-feu de Lusaka qui, moyennant quelques amendements et la bonne volonté, constitue une étape importante dans le cheminement vers une paix durable en République Démocratique du Congo. Nous demandons à ces artisans et signataires de respecter leurs engagements pour mettre fin à cette guerre absurde et dévastatrice. Nous supplions toutes les personnes de bonne volonté d apporter une assistance d aide humanitaire d urgence en faveur des populations victimes de la guerre. Nous souhaitons que la Communauté Internationale ait un peu plus de courage, de détermination et de générosité dans l application des diverses résolutions restées souvent lettres mortes. Rappelons pour mémoire les dispositions de la Résolution 1304 du Conseil de Sécurité de l ONU (16 juin 2000) confirmées par la Résolution 1332 : « Que l Ouganda et le Rwanda, qui ont violé la souveraineté et l intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo, retirent toutes leurs forces du territoire de la République Démocratique du Congo sans plus tarder, conformément au calendrier prévu dans l Accord de cessez- le-feu et le Plan de désengagement de Kampala en date du 8 avril 2000 (...) ; qu il soit mis fin à toute autre présence et activité militaires étrangères directes ou indirectes, sur le territoire de la République Démocratique du Congo, conformément aux dispositions de l Accord de cessez-le-feu ». Nous invitons les fidèles chrétiens à tenir bon dans la foi, l espérance et la charité. Que la crise ne nous entraîne pas dans le relativisme, le renversement des valeurs, l écart entre la profession de foi et le vécu quotidien. Soyons au service de la vie et, dans l unité et la communion ecclésiale, luttons contre les oeuvres de mort. A la suite du Christ, n ayons pas peur de porter chacun sa croix, d annoncer la Bonne Nouvelle à temps et à contretemps. C est dans les difficultés qu il faut faire preuve de générosité , de solidarité, de créativité et de sacrifice. Au reste, frères et soeurs, « tout ce qu il y a de vrai, tout ce qui est noble, juste, pur, digne d être aimé, d être honoré, ce qui s appelle vertu, ce qui mérite l éloge, tout cela, portez-le à votre actif. Ce que vous avez appris, reçu, entendu ..., observé... mettez- le en pratique. Et le Dieu de la Paix sera avec vous « (Philippiens 4,8-9) BONNE ET HEUREUSE ANNEE 2001 ! (DIA)