ACTUALITES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO DOCUMENT DIA LA CRISE CONGOLAISE : QUELLE SOLUTION ? Kinshasa, le 23 février 2001- (D.I.A.)- L'agence DIA livre à ses lecteurs la version originale du mémorandum que Mgr Monsegwo a publié en date du 28 janvier 2001 depuis l'étranger. Le prélat, qui est archevêque de Kisangani et ancien président de la Conférence nationale souveraine et du parlement de transition lors de la deuxième république, a réfléchi sur la solution à la crise congolaise qui dure depuis des années. " 0. PRELIMINAIRES PRINCIPES DE BASE : DEMOCRATIE 01. La démocratie s'oppose à la prise du pouvoir par la force. Car elle est par définition, le pouvoir du peuple par le peuple, avec le peuple et pour le peuple. Aussi exclut-elle l'anarchie ou vide du pouvoir, la dictature et toute forme de pouvoir autocratique, ou encore toute confiscation du pouvoir par une poignée de personnes (oligarchie). 02. Le pouvoir du peuple par et avec le peuple s'obtient normalement par les urnes : les élections démocratiques et transparentes. Celles- ci supposent le respect des libertés fondamentales : liberté de pensée et d'expression, liberté d'association, pluralisme politique. A elles seules les élections ne suffisent pas à garantir la démocratie : c'est la voie qui mène aux élections qui caractérise la nature démocratique de celles-ci. Transition et consensus 03. En période de transition vers la démocratie, c'est-à-dire aussi longtemps que n'auront pas eu lieu les élections, l'exercice du pouvoir ne peut se concevoir que dans la mesure où il est fondé sur un consensus de toutes les forces vives de la nation ; faute de quoi, le pouvoir sera sujet à contestation, au risque de guerres intestines ou bien de coups d'état successifs. En effet si quelqu'un détient le pouvoir par la force- pouvoir qui se défendra forcément par la force au risque d'être oppressif et répressif, il n'y a pas de raison pour qu'une autre personne ou groupe de personnes ne renverse un tel pouvoir. 04. Le consensus dont question ci-dessus est une exigence de la nature sociable de l'être humain et de l'égalité foncière des personnes appelées à vivre en société. Ce caractère sociable de l'homme appelle l'existence d'une autorité pour coordonner les énergies et les volontés de tous vers le bien commun ; tandis que l'égalité foncière des êtres humains implique que personne ne puisse imposer sa volonté aux autres, si de l'une ou l'autre manière, explicitement ou implicitement, les membres de la société n'acceptent d'être gouvernés par l'autorité en question. 05. C'est dire que lorsque, pour l'intérêt supérieur de la Nation, reconnu par la grande majorité du peuple correctement informé des tenants et aboutissants des initiatives politiques prises, un pouvoir est conquis d'une manière autre que par les urnes et le consensus, ce pouvoir ne peut moralement être accepté que dans la mesure où il crée les conditions de sa légitimation à travers le consensus qui prépare la tenue des élections. Un tel pouvoir ne peut dès lors se concevoir que comme intérimaire. En tout état de cause il faut, dans la préparation des élections, exclure le bâillonnement des partis politiques et l'interdiction de leurs activités. I.CAS DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO CNS et son ordre institutionnel 1.1. Face à la disqualification des institutions de la 2ème République caractérisée par la dictature du Parti-Etat, le peuple congolais réuni en Conférence Nationale Souveraine (CNS) a pris l'option de la démocratie et de l'Etat de droit. Il en a défini le projet de société et les règles du jeu politique. Ce projet et ses règles ont été consacrés dans des textes acceptés autant par la classe politique que par la société civile et l'ensemble du peuple. L'exercice du pouvoir était régi par une Constitution, qui non seulement reconnaissait les libertés et les droits fondamentaux de la personne ainsi que la séparation des pouvoirs avec le contrôle institutionnel et extra- institutionnel des gouvernants, mais en plus affirmait le droit et l'obligation de tout congolais de faire échec à toute personne ou groupe de personnes qui tenteraient de prendre le pouvoir par la force. Cette Constitution légèrement amendée après les " Accords du Palais du Peuple ", a été adoptée à la majorité qualifiée par les institutions compétentes et co-signée par S.E. Mr Lakhdar Brahimi, le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l'ONU et les Ambassadeurs de France et de Belgique, l'Ambassadeur des Etats-Unis s'étant désisté. 1.2. l'ordre institutionnel ainsi mis en place constituait un consensus national par lequel le peuple congolais se sentait lié et auquel il se référait comme à une loi fondamentale. Régime de Mr Laurent Désiré Kabila 1.3. La communauté internationale a commis l'erreur fatale de sacrifier cet ordre institutionnel démocratique au profit d'une nouvelle dictature, celle de Mr Laurent Désiré Kabila qui a conquis le pouvoir par la force. Pis encore, Mr L.D. Kabila ne s'est pas intégré dans le consensus national existant et a ainsi exposé son pouvoir à la contestation. 1.4. Les conséquences ont été immédiates : répression, oppression, interdiction de toute liberté d'expression et des activités politiques, violations massives des droits de l'homme, prisonniers pour délits d'opinion, assassinats politiques, situation socio-économique catastrophique, introduction de puissances étrangères dans la gestion de l'Etat, bradage de la souveraineté nationale, guerres civiles et partition du pays, pillage systématique et éhonté des ressources et richesses du pays, l'assassinat de M. Laurent Désiré Kabila. Son pouvoir ne reposant que sur la force et non sur le consensus, il demeurait en permanence sous la menace d'un coup d'état potentiel. 1.5. La cause originelle de cet état de choses s'avère être la prise du pouvoir par la force et le refus d'une légitimation fondée sur le consensus national. Situation actuelle 1.6. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la prise unilatérale du pouvoir par le, Général Major Joseph Kabila, fils du Président malheureusement assassiné, expose le pays aux mêmes dangers, à savoir l'oppression et la répression, la contestation de son pouvoir et de sa légitimité, la poursuite de la guerre, quelles que soient les déclarations d'intention exprimées lors de sa prestation de serment. Il faut éviter les erreurs du passé récent, afin de ne pas continuer à tourner en rond. DIALOGUE ET CONSENSUS NATIONAL 1.7. Une seule solution s'impose à la crise : le dialogue inter- congolais dans le cadre des Accords de Lusaka, en vue de recréer le consensus national issu de la CNS et rompu par M. Laurent Désiré Kabila et l'Alliance des Forces de Libération (AFDL) du Congo/Zaïre. A ce sujet il sied de noter que l'AFDL a été dissoute et il faudrait examiner sa consistance politique dans le pays. 1.8. La situation actuelle est un moment on ne peut plus favorable de mettre fin à la crise car la disparition soudaine de monsieur Laurent Désiré Kabila de la scène politique rend la guerre des Grands Lacs sans objet, puisque, à en croire ses auteurs, la guerre a été déclenchée pour chasser Mr Kabila du pouvoir. Le temps est arrivé d'appliquer les accords de Lusaka. 1.9. Le dialogue inter-congolais et le consensus national doivent viser à la restauration de l'Etat (le Congo étant en situation de non- Etat) par la mise en place d'institutions républicaines consensuelles : Président, gouvernement de large union nationale compétent et responsable, Parlement de transition. Le consensus se chargera aussi de l'adoption d'un texte constitutionnel, de la fixation de la durée de la transition, de l'adoption du code électoral et des principes d'organisation des élections démocratiques et transparentes. Ces décisions consensuelles créeront ainsi un cadre propice à la bonne gouvernance grâce à des institutions agréées par tous. 1.10. Une fois restauré l'Etat de droit, les institutions compétentes traiteront à travers des grandes commissions mixtes toutes les questions inhérentes au bon voisinage entre les pays des Grands Lacs, notamment les questions de sécurité, des groupes armés, des réfugiés, de nationalité. ROLE DE L'ONU 1.11. Le dialogue inter-congolais ne peut convenablement se tenir sans le déploiement des troupes de l'ONU en vue notamment d'assurer la libre-circulation des personnes et des biens, la sécurité à l'intérieur des frontières de la R.D.C., l'application des décisions consensuelles prises lors du dialogue inter-congolais et la formation d'une nouvelle armée républicaine. SOLUTION GLOBALE 1.12. Tout compte fait, les problèmes majeurs du pays devront être examinés lors du dialogue inter-congolais, si l'on veut arriver à une solution durable de la crise congolaise. Conclusion : Que faire concrètement : La guerre étant devenue en principe sans objet, les autorités intérimaires de Kinshasa, dont la légitimation doit se faire lors du dialogue inter-congolais doivent d'urgence veiller à ce qui suit : 1* - Lancer une diplomatie active tous azimuts pour que soit mis un terme à la guerre, et pour la consolidation de la paix. 2* - A cet effet, avec l'aide du Président Masire, mettre sur pied un présidium provisoire, en vue de préparer l'organisation matérielle du dialogue mandats, ordre du jour, règlement intérieur, etc. 3* - Convoquer d'urgence le dialogue inter-congolais pour recréer le consensus national et favoriser la réconciliation nationale. 4* - Activer le déploiement des troupes de l'ONU, suffisamment nombreuses, militairement et financièrement équipées pour être dissuasives. 5* - Le déploiement des troupes de l'ONU devrait être accompagné du retrait de toutes les troupes étrangères vers leurs frontières. 6 * - Les nouvelles institutions consensuelles devraient être en fonction dans les trente jours, à dater du début du dialogue inter- congolais. + L. MONSENGWO PASINYA Archevêque de Kisangani. 28.01.2001"(D.I.A.)